Présentation actuelle de la Société internationale de neuropsychanalyse (NPSA)
La Société internationale de neuropsychanalyse (NPSA) a été fondée à Londres en juillet 2000 pour promouvoir un travail interdisciplinaire entre les champs de la psychanalyse et des neurosciences. La Société a été fondée pour fournir un forum pour les cliniciens et les neuroscientifiques afin qu’ils puissent parler ensemble, se former l’un l’autre et travailler ensemble, parce qu’ils étudient la même chose. De plus en plus, les activités de la Société ont réduit le « tabou » de parler les langages des neurosciences et de la psychanalyse les uns avec les autres. A mesure que nos congrès et nos publications reçoivent une attention plus grande, de jeunes scientifiques et cliniciens ont pu intégrer le cerveau et l’esprit dans leur carrière, conduisant à des contributions enrichies à la littérature clinique et expérimentale.
Historique
Invité à New York, Mark Solms débarqua le 10 avril 1992, en provenance de Londres, où il avait fait une formation psychanalytique annafreudienne à la Société psychanalytique de Grande Bretagne . Le 11, il fit une présentation à un séminaire de l’Académie de médecine de New York, parrainé par le Psychoanalytic Research and Development Fund qui comptait alors un groupe d’étude sur le futur de la psychanalyse. Solms exposa alors, pour la première fois aux Etats-Unis, son étude clinico-anatomique sur le rêve effectuée sur 332 patients cérébro-lésés à Johannesburg et Londres. Il y soutenait, contre les théories alors en vigueur, que les principaux processus psychologiques du rêve étaient mis en jeu dans les structures encéphaliques supérieures de façon autonome, et non à partir des noyaux du tronc cérébral régulateurs du sommeil paradoxal…
Trois jours plus tard, le 14 avril, Solms présenta sa conférence devant la New York Psychoanalytic Society. L’ensemble des membres du deuxième groupe d’étude neurosciences et psychanalyse du NYPI fit alors, ce jour-là, connaissance de Solms. A la différence de Londres où ses recherches à mi-chemin entre psychanalyse et neuropsychologie ne recevaient aucun écho, Solms trouva des oreilles newyorkaises prêtes à l’écouter ainsi qu’une organisation généreusement financée. Pfeffer, qui avait dépassé l’âge de la retraite depuis longtemps, trouva en Solms un rassembleur, un organisateur et un théoricien infatigable… A partir de septembre 1993, Solms se vit confier la tâche de préparer et de présenter une série de huit séminaires pour le Study Group…. C’est sur fond des Freud Wars et sinon de sauvetage de la psychanalyse en général, aux Etats-Unis, peut-être, de la Société de psychanalyse de New York que la neuropsychanalyse a pris son envol.
L’article de Solms sur le rêve, publié en 1995 mais présenté en 1992 à New York dans le cadre des sessions organisées par Pfeffer et Schawrtz, marque une étape historique dans l’histoire de la psychanalyse et peut-être des neurosciences. Alors que le livre de Michel Jouvet Le sommeil et le rêve tout juste paru en février 1992 affirmait, comme Hobson à Harvard, que le sommeil paradoxal était l’état du cerveau pendant lequel se déroulait le rêve, Solms, en avril 1992, excluait en effet que le sommeil REM, qui ayant son origine dans les structures pontiques, fût le déclencheur du rêve. Il admettait, en revanche, qu’il puisse y avoir concomitance du rêve et du sommeil paradoxal. Pour la première fois depuis Freud, et surtout depuis les découvertes du sommeil REM en 1953… (Vers une neuropsychanalyse?, sous la dir. de Lisa Ouss, Bernard Golse, Nicolas Georgieff, Daniel Widlöcher, Odile Jacob, 2009, p. 21-23).
Plutôt que de continuer à raconter l’histoire des débuts de la Société de neuropsychanalyse, je préférerais me pencher très brièvement sur des questions épistémologiques que cette recherche soulève.
Définition
Pour Mark Solms, il ne fait aucun doute que cerveau et esprit sont la même chose, et il s’agit d’étudier cette chose sous deux aspects différents, donc d’un monisme à double aspect, d’un côté la matière, le cerveau, de l’autre la psyché.
Les choses ne sont peut-être pas aussi simples, si tant est qu’elles le soient.
Je me réfère en cela à Daniel Widlöcher :
« Constater un lien de causalité entre un événement neuronal et un événement psychique peut signifier deux choses. Il s’agit d’un lien de production : l’événement psychique est produit par l’événement neural. Il peut s’agir d’un lien d’enchaînement causal, on opère une double causalité, entre deux événements neuronaux dont le second s’exprime par son expression psychique (comportement, expérience subjective). Il en est donc de même quand nous évoquons la causalité psychique. Si un événement psychique fait suite à un autre, c’est que l’événement neuronal qui le produit obéit à une loi associative dont la complexité psychique seule nous est connue mais dont nous posons implicitement un mécanisme associatif au niveau neuronal. C’est l’ensemble de ce champ d’interactions neuropsychiques que nous prenons en considération en confrontant psychanalyse et neuropsychologie. Gardons-nous toutefois d’un parallélisme naïf. Toute tentative d’établir des lois-ponts doit passer par un triple réductionnisme :
- Réduction de l’expérience phénoménologique du sujet à la modélisation métapsychologique de l’appareil psychique ;
- réduction de la modélisation métapsychologique de l’appareil psychique aux opérations élémentaires supposées qui le composeraient ;
- réduction des opérations cognitives élémentaires à leurs mécanismes de production cérébrale.
C’est dans un parcours qui se situe entre ces trois niveaux que se trouvent tout le domaine clinique et expérimental, et la prise de conscience des indices neurophysiologiques dont il est question dans l’interdisciplinarité entre neurosciences et psychanalyse.
« L’illusion dont nous devons nous départir est de croire que la psychanalyse s’adresse directement à travers le pulsionnel et le fantasme à l’élémentaire de la pensée. »
(Vers une neuropsychanalyse ?, Odile Jacob, 2009, p. 66-67).
A ce point de vue, j’associerais celui du complémentarisme, qui permet de donner un cadre épistémologique à cette interdisciplinarité. C’est Georges Devereux qui a développé cette notion au début des années 1970 pour articuler les champs culturel et psychanalytique. Il s’était inspiré de la notion de complémentarité de Niels Bohr et du principe d’indéterminisme (ou d’incertitude) d’Heisenberg, selon lequel il est impossible de déterminer simultanément, et avec la même précision, la position et la vitesse d’un électron. Depuis, cette notion d’indéterminisme est devenue le support de l’opposition entre déterminisme et principe de liberté. Pour Devereux, « le principe du double discours récuse inconditionnellement toute ‘interdisciplinarité’ du type additif, fusionnant, synthétique ou parallèle – bref, toute discipline ‘à trait d’union’ et donc, ‘simultanée’ ». Comme il le précise lui-même, « le complémentarisme n’est pas une ‘théorie’ mais une généralisation méthodologique. Il n’exclut aucune méthode, aucune théorie valable – il les coordonne ». Ces deux discours, obligatoires, non simultanés et complémentaires, peuvent être tenus « grâce au décentrage, qui permet de prendre successivement deux places différentes par rapport à l’objet sans les réduire l’une à l’autre et sans les confondre »… (Vers une neuropsychanalyse ?, p. 255-256).
Je suis l’une des membres fondatrices, ayant été présente au premier congrès de cette Société à Londres en juillet 2000.
J’ai participé à tous les congrès annuels et publié des comptes rendus de ces congrès dans diverses revues. J’ai aussi traduit et publié quelques articles sur ce sujet, qui tentent de faire le lien entre les connaissances sur le cerveau et la psychanalyse, dans l’esprit d’une interdisciplinarité.
J’ai organisé un « groupe de travail » dans le cadre de la Société de Psychanalyse de Paris sur psychanalyse et sciences, pour faire connaître ce que j’apprenais dans ces congrès internationaux de la NPSA.